Archéologie - Pas-de-Calais le Département
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Hames-Boucres, "Fond d'Hames", 2010, Fouille, atelier de bronzier mérovingien

A l’occasion de la création d’une nouvelle route dénommée « pénétrante sud-ouest de Calais », la liaison de 4 km entre les communes de Hames-Boucres et de Fréthun a fait l’objet d’un diagnostic en 2009. L’emprise du nouveau tracé, parallèle à la voie de TGV nord, qui recoupe plusieurs vallons secs a mis en évidence deux principaux lieux anthropisés : une occupation protohistorique sur la commune de Saint-Tricat et l’atelier de bronzier sur la commune de Hames-Boucres. Ces deux sites ont fait l’objet d’une fouille préventive en 2010.

L’atelier de bronzier est situé dans un fond de vallon, prolongement ouest du Fond d’Homes, qui rejoint vers l’est les marais de la rivièrette. Le site est situé à 650 m de l’ancienne voie romaine encore marquée dans le paysage qui rejoignait Thérouanne à Sangatte. Le diagnostic puis la fouille prescrite sur 1000 m² n’ont livré qu’une fosse isolée située à l’extrémité de l’emprise des travaux. La fosse ovale de 1,20 par 1,30 m à bords verticaux et à fond plat est profonde de 70 cm. Son comblement présente une poche centrale très charbonneuse et très riche en mobilier notamment des moules bivalves, 7 moules complets et une centaine de fragments et une soixantaine de creusets. Les moules sont destinés essentiellement à fabriquer des éléments de costume et de parure : fibules aviforme et circulaire, épingles, petites et grandes boucles rectangulaires à bords biseautés et ardillon scutiforme, boucles rectangulaires et ovales, rivets scutiformes, plats et facettés et bossettes. Un moule de cuillère et un fragment de moule au décor en chevron ont également été découverts. L’attribution des objets a été possible par comparaison avec le mobilier issu d’ensembles funéraires du haut Moyen Âge. Les moules ont permis de dater l’atelier de bronzier du Mérovingien ancien (MA) suivant la chronologie de Legoux-Périn-Vallet avec une plus grande probabilité pour le Mérovingien ancien 2 soit entre 520-530 et 560-570 après J.-C.

Une soixantaine de creusets à bec verseur et tenons de préhension de volume inférieur à 10 ml ont été dénombrés. Leur morphologie diffère nettement des creusets généralement trouvés dans des contextes d’atelier de bronzier. Par contre, des creusets similaires, datés du 7ième siècle, découverts sur l’île de Vescovo, à proximité de Venise, servent à fondre des petits pavés de verre pour fabriquer des tesselles, ou faire les cloisonnés. Trois petits fragments de verre, une goutte de pâte de verre ainsi qu’un grenat de 2 mm de diamètre et un éclat de grenat attestent du travail de décoration au cloisonné notamment. L’analyse des résidus présents sur les creusets permettra de déterminer la composition des éléments fondus.
Le mobilier découvert est essentiellement lié au coulage du métal mais les indices laissent supposer que toute la chaîne opératoire de façonnage des pièces était réalisée sur place y compris la dernière phase de décoration par la technique du cloisonné.

Malgré l’abondance du mobilier métallique mérovingien dans le Nord de la France, aucun atelier de bronzier n’avait encore été mis au jour. Il fallait se tourner vers les régions voisines de la Normandie et de la vallée de la Meuse pour appréhender l’artisanat de bronzier. La découverte de l’atelier à Hames-Boucres atteste d’une production locale et permet d’appréhender les techniques des bronziers mérovingiens mais également leur mode d’organisation. L’importance du nombre de moule entier apporte de nouveaux éléments quant à la production des pièces. Quatre types de moule ont pu être déterminés : moule simple pour un seul élément, moule en série destiné à produire plusieurs fois le même élément, moule d’un objet composite comme une boucle et son ardillon et moule d’une paire d’objets. L’étude de ces moules laisse supposer que s’il y a bien une production en petite série, elle répondait à une commande précise.

Contrairement aux sites belges de Namur, Huy et Tournai découverts en contexte urbain, l’atelier d’Hames-Boucres se situe en contexte rural. Il pose la question de l’itinérance des artisans bronzier. Ce site pour l’instant considéré comme isolé est-il en lien avec un hameau ? Quelle relation entretenait-il avec la nécropole contemporaine de Fréthun située à 4 km au Nord ? Quelle est l’aire de diff usion des productions du site de Hames-Boucres ?

L’étude de ce site devra se poursuivre dans plusieurs directions. A l’échelle du site, l’étude de la chaîne opératoire de production sera approfondie notamment par l’analyse des résidus sur les creusets qui précisera les alliages métalliques ou vitreux utilisés. A l’échelle locale, la comparaison avec le mobilier des nécropoles mérovingiennes du littoral notamment avec celui de Fréthun permettrait d’esquisser une aire de diffusion des productions. A l’échelle régionale, l’analyse conjointe des ateliers de bronziers urbains découverts en Belgique permettrait d’appréhender leur mode d’organisation et d’implantation.

Fig. 1 : Hames-Boucres : moules mérovingiens de fi bule aviforme, fi bule circulaire, rivet scutiforme, rivet facetté, boucle ovale, boucle quadrangulaire, paire de petites boucles quadrangulaires, épingle

Fig. 1 : Hames-Boucres : moules mérovingiens de fi bule aviforme, fi bule circulaire, rivet scutiforme, rivet facetté,boucle ovale, boucle quadrangulaire, paire de petites boucles quadrangulaires, épingle.

Hames-Boucres : creusets mérovingiens

Hames-Boucres : creusets mérovingiens.

Référence du rapport

FRANCOIS (S.) dir., MEURISSE-FORT (M.), SAUSSUS (L.),

Hames-Boucres (Pas-de-Calais), RD 304,

Rapport final d’opération de fouille, édition Centre départemental d’archéologie du Pas-de-Calais, Dainville, 2012, 138 pages, 31 figures.

Pour en savoir plus

Un atelier de bijoutier mérovingien à Hames-Boucres

Hames-Boucres