Archéologie - Pas-de-Calais le Département
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Une officine de potiers du bas Moyen Âge à Fiennes (vidéo)

La commune de Fiennes entreprend la construction d’une école primaire et d’un lotissement. Sur la base des prescriptions de l’État, une équipe de huit archéologues de la Direction de l'Archéologie du Pas-de-Calais est intervenue de début mai à fin juin 2012 pour fouiller les vestiges d’une officine de potiers du bas Moyen Âge (1350-1450).

Vue générale du site archéologique de Fiennes

Vue du site de Fiennes. Droits réservés

 Accédez à la transcription textuelle de cette vidéo.

Un atelier, trois fours

 La fouille du site de Fiennes a permis de découvrir un atelier de potiers constitué de trois fours : un four à pain, un four pour la poterie, un four réservé aux poteries et aux tuiles. Les trois fours sont regroupés autour d’un espace de travail central qu’on appelle "aire de chauffe".

 Le dôme de ce four de potier n’a pas été retrouvé, mais l’entrée en briques de la chambre de chauffe (alandier) et le muret sont bien conservés.

Alandier du four de potier de Fiennes

Alandier du four de potier de Fiennes. Droits réservés

 

 

 La fouille des fours a permis d’appréhender les différentes étapes de leur construction. Une fosse est d’abord creusée en pente douce. Un muret central est ensuite construit. Il divise la chambre de chauffe en deux et soutient la sole, sur laquelle sont disposées les poteries à cuire. L’ensemble est surmonté d’un dôme. Ce schéma en coupe des fours de Fiennes illustre leur organisation intérieure.

Vue en coupe des fours de Fiennes illustrant leur organisation interne (V. Merkenbreack)

Schéma en coupe des fours de Fiennes. Droits réservés

 La production de poteries

 Grâce à la fouille, les gestes du potier ont pu être retrouvés. Les poteries à cuire sont disposées sur la sole, dans un espace appelé "laboratoire". Le potier allume un feu dans l’alandier. La chaleur se répand dans toute la partie inférieure du four et monte même au niveau des céramiques grâce à des trous disposés dans la sole. Le potier veille à alimenter le feu pendant tout le temps de la cuisson, au moins 12 à 16 heures.

Dans le four à poteries et à tuiles, la sole percée est exceptionnellement bien conservée.

Sole du four à poteries et tuiles

Sole du four à poteries et tuiles. Droits réservés

 

 

 

 Dans l’atelier de Fiennes, la production de poteries est destinée à la vie domestique. Plusieurs jattes, pichets et cruches ont été mis au jour, ainsi qu’une gourde et une jarre-saloir pour la conservation et la préparation des plats.

Les petites anses de cette gourde en terre cuite permettaient de passer une corde pour l’accrocher et la transporter.

Gourde médiévale

Gourde médiévale. Droits réservés

 Une officine du bas Moyen Âge

La forme, la couleur, la pâte ou le décor des céramiques différent selon les époques, ce qui permet de dater un site archéologique. À Fiennes, l’étude céramologique révèle que l’atelier était actif entre 1350 et 1450.

Cette cruche retrouvée à Fiennes est caractéristique du bas Moyen Âge.

Cruche médiévale

Cruche médiévale. Droits réservés

 Pour affiner cette datation, les archéologues ont lancé une étude archéomagnétique sur plusieurs éléments en terre prélevés dans les fours.

Prélèvements sur les parois et le fond d’un four pour réaliser une datation archéomagnétique.

L’archéomagnétisme permet de dater la période d’utilisation des fours en étudiant l’orientation de microscopiques éléments ferriques contenus dans leurs parois. En effet, par le passé, lorsque ces particules magnétiques de l’argile ont été chauffées à haute température, elles se sont orientées en fonction du champ magnétique terrestre de l’instant. Quand l’argile a refroidi, ces particules se sont figées. Cette "mémoire" de l’argile permet de dater la dernière chauffe du four, puisque le champ magnétique varie dans le temps. Ainsi, les résultats d’analyse permettront de préciser la datation à 25 ans près.

Prélèvements pour datation par archéomagnétisme

Prélèvements pour datation par archéomagnétisme. Droits réservés

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Transcription textuelle de la vidéo

Jean-Michel Willot, Centre Départemental d’Archéologie, archéologue : Suite à un projet de construction de la commune de Fiennes (une école communale), le Centre Départemental d’Archéologie est intervenu en fouille pour réaliser des travaux sur une durée très limitée. Le but était de fouiller l’ensemble du terrain avant que la commune ne construise son école, et nous avons découvert des vestiges du 14ième siècle.

Au 14ième siècle dans le Calaisis, une grande partie du territoire était sous domination anglaise, nous étions à la fin de la Guerre de Cent ans. La frontière de la partie sous la domination anglaise était située entre Guînes et la commune de Fiennes. Notre surprise a été de découvrir une installation, un atelier de potier quasiment complet. En général les potiers ne s’installent non pas dans le centre, mais à la périphérie pour des raisons de sécurité. La durée de vie de ces ateliers est rarement très longue, moins d’une génération. Et là, à Fiennes, nous savons qu’il a travaillé au début du 14ème siècle mais il s’est arrêté sans doute très tôt. Il a abandonné le terrain, qui est sans doute redevenu une pâture ou un champ.

Mathilde Delage, Centre Départemental d’Archéologie, archéologue : Lors de la phase d’abandon, ils ont soigneusement bouché tous les conduits par lesquels se répandait la chaleur, soit par des blocs de calcaire soit par des fragments de tuiles. Aussi, une fois que l’on a dégagé cette partie du four, on s’est vite rendu compte du grand vide qu’il y avait à l’intérieur. C’était donc facile d’observer, sans avoir besoin de creuser sous les carneaux, toutes les voutes restées intactes.

Vincent Merkenbreak, Centre Départemental d’Archéologie, archéologue : Il n’y a pas eu de construction ni d’exploitation agricole, il n’y a donc pas eu d’arasement, le terrain n’a été ni remué, ni remanié. Comme il s'agissait simplement d'une pâture, même si on est juste en dessous de la terre végétale, ça a permis la meilleure conservation du four. C’est relativement exceptionnel de trouver un four conservé avec la sole notamment. La sole, c’est la partie en hauteur qui possède des trous. Nous sommes à l’entrée de ce qu’on appelle l’alandier, qui est à la base consacrée au feu. On effectue un feu ici, la chaleur se propage sous la sole du four, et au dessus de la sole sont disposées des céramiques (deux céramiques sont désignées en exemples) pour la cuisson.

On a aussi le départ du dôme, ce qui fermait le four. Il faut s’imaginer le four fermé avec à peu près un bon mètre de hauteur. L’alandier y est également couvert.

Mathilde Delage : On a pu repérer sur la sole des traces d’empreintes de céramiques, on pu repérer sur les parois et sur les voutements des traces de lissage aux doigts, c’est vraiment très intéressant de pouvoir pousser jusqu’au plus petit détail.

Vincent Merkenbreak : On va le démonter proprement, le documenter, et essayer de comparer les données que l’on a sur la construction du four avec d’autres plus connues. Puis il y aura un gros travail sur l’étude de la céramique pour réfléchir sur la répartition géographique et la diffusion des productions faites dans ce four, qui a aussi servi à la construction de tuiles. Ils ont construit dans cet aire de chauffe un mur en craie locale avec un aménagement pour un troisième four, mais qui n’est pas un four destiné à la céramique mais plutôt à l’usage culinaire, c’est-à-dire du pain ou de galettes. C’est un plus petit module qui fait un tout petit dôme et dont l’alandier se trouve à hauteur d’homme, quasiment au niveau du thorax, pour pouvoir enfourner facilement et puis récupérer les produits.

Jean-Michel Willot : Lorsqu’un potier s’installe à la proximité d’un village, il commence par construire ses fours pour cuire les céramiques. Mais il a besoin également d’autres matériaux, notamment l’argile. Et il la puise à proximité des fours. C’est ce que nous avons également découvert sur le site. Cette argile est ensuite décantée, et nous avons retrouvé l’emplacement de ces espaces de décantation qui sont de très grandes cuves qui étaient à l’origine en bois.

Hélène Agostini, Centre Départemental d’Archéologie, archéologue : La structure qui est en cours de fouille est une fosse de décantation d’argile. On l’a repérée grâce à ses parois en argile vertes très "plastique" qui tapissent tout le contour de la structure. Et ensuite elles ont servi de dépotoir. Le mobilier que l’on a sorti de ces niveaux de dépotoirs est essentiellement lié à des déchets de cuisson des fours. Mais nous avons quelques éléments en métal de type faucille, clous, et aussi un peu d’ossement de faune. Mais pour l’essentiel, c’est surtout de la céramique ; voici un exemple du type de céramique que l’on peut avoir ici en glassures vertes et jaunes, des hanses de poêle. Voici le pied d’un petit gobelet en pâte rouge assez rare. Voici une très grande terrine, ça servait à la préparation culinaire, c’est une forme très large, très profonde, avec un petit décor que l’on appelle "digité", c'est-à-dire qu’on appuie avec le doigt et ça forme ce petit décor, qui pouvait aussi servir à maintenir la céramique lorsqu’on la portait.

Jean-Michel Willot : Nous avons découvert les traces d’un atelier de forgerons, elles consistent en de grands épandages de scories, de rejets de ferraille. Il a travaillé juste à coté de l’atelier du potier, peut-être en même temps ou peu de temps après l’abandon de l’atelier ; c’est l’étude après la fouille qui déterminera précisément quand le forgeron s’est installé.

Réalisation : Direction de la Communication, Vadim Gressier